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Le volontourisme, ou l'exotisme de la misère

Déforestation, réfugié·es et famines, la souffrance du monde ne cesse de persister. Il est, parfois, insoutenable de voir toute cette misère et de se sentir impuissant·e. L'aide humanitaire semble, alors, être une solution efficace pour remédier aux maux de notre société. Mais soyez prudent·e, car le monde de la solidarité n’est pas un secteur accessible à tou·te·s. C’est un milieu professionnel bien complexe qui nécessite des qualifications précises.

Or, de nombreuses ”entreprises humanitaires” ont compris que l’empathie était un business bien juteux. Séjour touristique à l’autre bout du monde, avec au programme sauvetage de petit·e·s orphelin·es le matin, et balade à dos d’éléphant le soir. Voici le domaine touristique en expansion depuis plusieurs décennies : le volontourisme. 

Le volontourisme, entre néocolonialisme et vacances exotiques :

Le volontourisme, qu’est que c’est ?

Né dans les années 60, le volontariat est la résultante de la décolonisation et de la culpabilité occidentale qui en découle. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreu·ses·x militant·e·s engagé·e·s souhaitent donner de leur personne pour améliorer le monde. Certain·e·s s’engagent dans des associations pour des missions de longue durée, tandis que d’autres se tournent vers des agences qui proposent des voyages plus courts avec des missions, mais, aussi, des activités de loisirs. C’est ce qu’on appelle désormais le volontourisme, un néologisme entre ”volontariat” et ”tourisme”. 

À partir des années 2000, l’image de soi sur les réseaux sociaux prend de plus en plus d'importance. Cela encourage alors de nombreu·ses·x jeunes à partir à l’étranger pour prouver qu’iels sont admirables, car engagé·e·s contre la misère du monde. Mais cet engagement superficiel est le fruit de l'ignorance, du narcissisme, voire du racisme positif. Ce qui cause de nombreux maux au monde de la solidarité. L’importance de la présence sur le terrain devient plus importante que la mission en elle-même.

 

Qui sont les cibles de ces escroqueries ?

Les cibles de ce tourisme sont des étudiant·e·s occidenta·les·ux issu·e·s de classes supérieures. Iels sont en quête d’un sens à leurs vies, et, parfois, souhaitent mener un projet humanitaire afin d’augmenter leur chance d'entrer dans de grandes écoles. En effet, ces séjours de courte durée et très onéreux correspondent parfaitement à cette cible. Iels n'ont souvent aucune qualification dans l’humanitaire et ont peu de temps pour mener des projets de long terme. Leurs familles pensent alors assurer leur sécurité en payant (généreusement) ces agences. Un gage d’encadrement et de confort pour leurs enfants selon elles. Ces initiatives sont, à la base, très louables, il ne faut pas culpabiliser de vouloir aider l’autre. Au contraire, c’est honorable de prendre conscience de la chance sociale et économique que l’on a, et de vouloir la partager au monde. Seulement, il faut savoir que l’on peut se faire abuser par des agences en quête de bénéfices.

 

Comment différencier un projet humanitaire pertinent du volontourisme :

 

Le volontariat, une vocation professionnelle :

 

Tout d’abord, le volontariat est partagé en deux secteurs : l’aide d'urgence et l’aide de développement. L’aide d'urgence consiste à venir au secours de populations face à une situation ponctuelle tel un conflit armé ou une catastrophe naturelle. Les missions sont de moyenne durée et agissent sur les conséquences directes d'une problématique. L’aide de développement comprend des projets de long terme. Elle vise à autonomiser des populations autour de secteur durable comme l’éducation, l'agriculture ou l'économie. Cette aide est la plus intéressante, puisqu'elle résout les causes d’une problématique. 

 

L'aspect technique :

Contrairement au bénévolat ponctuel, le volontariat revêt une caractéristique plus professionnelle. Avoir de la bonne volonté ne suffit pas pour réussir une mission. Il faut faire des formations pour prétendre être compétent·e dans ce domaine. Ces formations offrent un ensemble d'informations essentielles pour le bon déroulement de votre mission. On y apprend des savoirs techniques. La plupart du temps, vous devez apprendre un métier, comme celui d’agriculteur·ice, d’enseignant·e ou bien d’aide-soignant·e. Il est, donc, nécessaire de recevoir un enseignement approfondi afin d'acquérir les compétences nécessaires pour prétendre à ces postes. 

 

L'aspect pratique :

Il faut transmettre des informations pratiques nécessaires pour la sécurité des volontaires. Cela consiste à expliquer le système de santé et le système juridique du pays d’accueil . On vous indique, aussi, les structures administratives qui peuvent vous venir en aide une fois sur place. Vous devez également être informé·e du fonctionnement des transports et du prix de la vie afin d’éviter toute arnaque. 

 

L'aspect culturel :

Enfin, ces formations permettent d’initier les volontaires à la culture du pays d’accueil : préparation aux chocs interculturels, initiations aux traditions, explication des contextes économique, social et politique. Les formations les plus pertinentes enseignent les langues locales afin de faciliter l’intégration et la communication avec les populations locales. Cet enseignement culturel permet aux volontaires de s'adapter correctement à la culture du pays.

Sans cela, l’approche des volontaires envers les populations locales risque de se rapprocher du white savior. Cette logique, bienveillante à la base, est en réalité une vision néocoloniale des choses. Il faut accepter que certaines ethnies aient des mentalités différentes. Le but n’est pas de les remettre en cause, mais d’intégrer la culture locale et d’adapter votre projet à celle-ci.

 

Le volontourisme, un domaine touristique avant tout :

Un manque de formations :

La plupart des voyages de volontourisme ne proposent pas de formations professionnelles, culturelles ou juridiques. Vous atterrissez dans des pays où vous êtes complètement abandonné·e·s à vos ressentis et à vos préjugés. Une première distance s’établit alors entre vous et la population locale. Vous êtes perçu·e comme un·e touriste occidental·le qui cherche encore à imposer sa vision et sa culture, sans comprendre la situation et la mentalité locale.

De plus, vous allez devoir mener des projets professionnels sans formations techniques. Or, en Europe, il serait impossible d'exercer un métier technique sans formation. Vous refuseriez qu’un individu puisse être en charge de votre santé sans avoir suivi d'études médicales. Il en est de même pour les populations aidées. La seule différence est qu'elles sont dépendantes de l’aide extérieure et, donc, elles ne peuvent pas refuser ce type de pratiques.

 

Des voyages trop courts pour être pertinents :

Ensuite, le volontourisme est, souvent, de courte durée. Vous allez être en immersion pendant 2 semaines, alors que les voyages humanitaires durent, d'ordinaire, entre 6 mois et 2 ans. Si vous menez une mission d’aide d’urgence, il se peut que la mission soit courte, car l’état d’urgence doit prendre fin le plus rapidement possible. C’est le cas, par exemple, lorsqu’il y a des distributions alimentaires exceptionnelles. Mais si on vous propose une mission de développement, comme éduquer des enfants, vous pouvez être sûr·e que vous n’aurez aucun impact si vous partez pour seulement quelques jours. 

 

Une organisation non-professionnelle :

Une mission humanitaire n’est pas censée être payante. Les volontaires sont souvent logé·e·s et nourri·e·s par l’association. Vous pouvez même toucher un salaire si vous avez un statut de salarié·e. Mais vous ne devez pas payer pour aider, et encore moins donner des sommes astronomiques, comme celles demandées par ces agences de volontarisme. Partez du principe que vous êtes un·e travailleur·euse, et que ce n'est pas à vous de payer votre employeur·euse. Être volontaire, c’est déjà offrir de son temps et de sa personne. Si vous êtes prêt·es à payer, faites un don à une association certifiée, votre impact sera, alors, bien plus bénéfique.

Enfin, si vous logez dans des hôtels et que votre voyage comprend des visites, soyez vigilant·e·s. Que ce soit de l’aide d’urgence ou de développement, vous avez pour objectif premier de venir en aide. En aucun cas, vous ne devez avoir dans vos objectifs celui de vous divertir. Bien évidemment, si vous partez plusieurs mois, vous aurez l’occasion de visiter la région et découvrir la culture du pays. Mais cela ne fait pas partie de vos tâches professionnelles. Il faut bien identifier votre objectif, et si le vôtre est de visiter et de découvrir un pays, il est préférable de mener un vrai voyage touristique. Vous serez non seulement plus satisfait·e, mais votre impact sera bien plus éthique que si vous faites cela à travers un pseudo-voyage humanitaire censé venir en aide à l’autre, et non satisfaire votre besoin d’exotisme. 

 

Pourquoi est-ce un danger pour vous et l’aide humanitaire ?

Un risque pour votre porte-monnaie et votre éthique :

La volonté de venir en aide est un sentiment honorable. Mais elle peut être utilisée à mauvais escient. Dans de nombreux cas, les volontaires se sentent abusé·es au retour de ce type de voyage. Iels reviennent déçu·es d'eux/elles-mêmes et de leurs actions. La frustration psychologique est très fréquente. Une fois sur place, beaucoup se rendent compte que leur impact est inexistant, voir négatif. Parfois, certain·e·s constatent même qu’iels ont participé à des missions qui exploitent la pauvreté et la misère. 

Deuxièmement, vous risquez de perdre de grosses sommes d’argent en finançant des organismes peu éthiques voir criminels. Certains jeunes reviennent ruinés de leurs voyages. Beaucoup de volontaires finissent alors par être dégoûté·e·s de l'humanitaire, ou décident de s'enfermer dans le déni et refusent de reconnaître qu'iels ont été victimes d'une arnaque. Résultat, vous êtes souvent frustré·e de vous être engagé·e dans une mission inefficace et d’avoir financé des agences qui vont à l’encontre de vos principes.

 

Une aide contre-productive pour les personnes aidées :

Le volontourisme participe à perpétuer des situations de précarité pour faire des bénéfices à travers des logiques tirées du néocolonialisme. Certaines agences vont, même, jusqu’à financer la criminalité. L'objectif est de générer de l'argent, et non de résoudre la situation des bénéficiaires.

L’exemple le plus connu est celui des orphelinats. Cette cause est accaparée pour créer un réel business où les enfants deviennent de la marchandise. Le Cambodge, par exemple, est l’un des pays où il y a le plus de volontourisme dans les orphelinats. Depuis les années 80, le nombre d’orphelinats est passé de 7 000 à 47 000. De nombreux orphelinats sont créés pour entretenir ce tourisme. UNICEF indique que 74% de ces "orphelin·e·s" ont des parents. Ces faux orphelinats promettent aux parents d’éduquer leurs enfants. Mais la réalité, ces enfants ne sont que des figurant·e·s pour ces agences. Iels sont traumatisé·e·s, car on leur fait croire que leurs parents sont décédé·e·s. Iels développent, alors, d'importants troubles de l'attachement et ne s'épanouissent pas car iels n'ont plus de cellule familiale. Les volontaires non-qualifié·e·s leur procurent une éducation médiocre, car cette dernière est sans continuité, et change d'une semaine à l'autre. 

De façon générale, cette pratique de volontariat entretient l'idée que les populations aidées sont dépendantes de l’aide extérieure. Iels perdent espoir et finissent par penser que leur situation ne se résoudra jamais. De plus, cela les ralentit grandement dans leur développement, et iels deviennent victimes de l’exploitation du business touristique.

 

Comment organiser un voyage humanitaire responsable et pertinent ?

 

Cet ensemble d’informations peut vous enlever l’envie de vous investir dans l’humanitaire... Mais ne craignez rien, il existe de nombreux projets pertinents, encore faut-il savoir les identifier ! Voici les questionnements qu’il faut vous poser avant de vous engager dans une mission :

1.  Quelles sont vos motivations ? 

Premièrement, vous devez faire une introspection personnelle, et identifier vos objectifs. Souhaitez-vous œuvrer pour une cause qui vous est chère ? Souhaitez-vous plutôt découvrir un pays ? Ou cherchez-vous à accomplir un acte valorisé par la société et le milieu professionnel ? Souhaitez-vous aider au maximum en usant de vos compétences professionnelles, ou souhaitez-vous découvrir un métier différent du vôtre ? Demandez-vous, également, pourquoi vous souhaitez œuvrer à l'étranger et non pas dans votre pays. Ainsi, vous pourrez réaliser si votre profil est réellement adapté au volontariat.

2.  Quelle est la nature de la structure choisie ?

Vous devez vous renseigner correctement sur la structure choisie. Assurez-vous qu'i s’agit bien d’une association à but non-lucratif. Identifiez également ses valeurs, ses objectifs ainsi que ses partenaires. Il est, alors, important que la structure choisie travaille avec des acteur·ice·s locaux, car cela signifie que l’association inclut la population dans son projet et leur autonomisation. De plus, votre projet sera mieux accepté dans la population, et vous pourrez communiquer correctement avec les bénéficiaires pour comprendre leurs besoins réels.

3.  Dans quel type de projet souhaitez-vous vous engager ?

S'agit-il d'une mission d'aide d'urgence ? Êtes-vous présent·e pour améliorer l'accès aux besoins vitaux ? Ou alors s'agit-il d'une mission de développement ? Êtes-vous présent·e pour améliorer le système économique ou social d'une communauté ? Une fois votre projet identifié, vous saurez davantage quelle démarche suivre pour accéder à vos objectifs.

4. La structure vous forme-t-elle à votre future mission ?

Assurez-vous d’être correctement formé·e avant votre départ, surtout si vous faites une mission dans un domaine qui vous est inconnu. En plus d’être réellement pertinent·e dans vos actions, vous comprendrez davantage les enjeux de votre mission. Cela vous évitera de faire des erreurs qui peuvent être totalement contre-productives, comme un mauvais examen médical mettant en danger la personne soignée. Vous pouvez voir si votre structure vous permet de contacter d'ancien·ne·s volontaires afin de vous faire une idée plus précise des formations et des missions. 

5. Quel est votre impact dans le projet ?

Êtes-vous utile au projet ? Votre impact est-il positif ? Aurez-vous un impact négatif ? Votre mission sert-elle l’intérêt général ou seulement celui de votre structure ? Vous devez penser également à votre plus-value. En quoi apportez-vous un plus à la mission ? Pourriez-vous mener cette mission en France, ou seriez-vous non qualifié·e ? Vous devez vous assurer que votre présence sur le terrain est pertinente et efficace. Il est alors préférable de s’engager dans des missions qui rejoignent vos centres d’intérêt et votre voie professionnelle. Cela ne vous empêche pas de vous engager dans un projet à l’opposé de votre secteur professionnel, mais votre impact sera, peut-être, moins important que si vous mettez à profit votre savoir professionnel. 

6. Qui prend en charge la mission ?

Qui paye mon voyage ? Dois-je être rémunéré·e pour mon travail ? Ou est-ce à moi de financer cette aventure ? Mon logement et mes repas sont-ils pris en charge ? Les prix sont-ils justes par rapport au marché ? 
Cet ensemble de questionnements vous permettra d'identifier si vous avez à faire à une mission humanitaire ou à un voyage touristique. Mais nous vous le rappelons, vous n'êtes pas censé·e payer votre voyage, car vous êtes un·e travailleur·euse. Et si vous avez des qualifications, vous devrez être rémunéré·e, ou du moins entretenu·e par la structure d'accueil. 

7. Qui va bénéficier du projet ?

Qui est la cible de ce projet ? Permet-il d'épanouir davantage les bénéficiaires ? Est-ce un projet davantage tourné vers l'accomplissement personnel des volontaires ? Ou est-ce un projet qui permet d'augmenter les bénéfices d'une agence ? Ces questionnements sont la clé pour vous assurer que votre projet est pertinent. C'est à travers ces questions que vous verrez si le projet permet de résoudre, réellement, une problématique humanitaire. C'est, aussi, une façon de se questionner sur le niveau d'éthique de votre projet. Venir en aide est une action admirable, encore faut-il identifier correctement les besoins des personnes aidées. Alors réfléchissez bien à la porté de votre mission et à l'utilité de vos actions.

 

 

Maintenant, vous possédez toutes les informations nécessaires pour réaliser correctement votre mission. L'humanitaire est un secteur professionnel qui nécessite des qualifications et un engagement sur le long terme. Si cela vous correspond, alors participez à une mission ! C’est une expérience humaine formidable qui permet d'atteindre un accomplissement personnel immense. Mais si les missions de long terme ou les formations trop professionnelles ne vous correspondent pas, engagez-vous davantage dans des associations près de chez vous, ou dans des missions de bénévolat ponctuelles. Vous pouvez, aussi, aider en faisant des dons ou des parrainages. La solidarité revêt plusieurs formes et aspects, et il semblerait qu’il y en ait une adaptée à chacun·e de nous. Il vous suffit de réfléchir à l'impact que vous souhaitez avoir, et au pouvoir que vous possédez pour venir en aide. Le principal, c’est d'avoir une empreinte positive et pertinente pour le monde.

Lauriane Canard.

 

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