Un matin de janvier, l’air froid vous mordant le visage, vous avez sûrement entendu cette phrase, peut-être l’avez-vous prononcée vous-même : « On se gèle ! Le réchauffement climatique, c’est vraiment bidon ! » ou bien « Avec ce froid, on ne les entend plus, les écolos ! ». En effet, le constat est frappant : par ce froid, comment peut-on parler de réchauffement climatique, et nous demander de faire des efforts pour y faire face par-dessus le marché ?! Comme vous vous en doutez, la question est moins évidente que cela, et nécessite de regarder le sujet d’un peu plus près. Nous en profiterons pour montrer une chose essentielle que ce cas illustre à merveille : notre « bon sens » passe son temps à nous tromper, et si nous ne sommes pas tenus d’être méthodiques et rigoureux à longueur d’année, cela reste un excellent moyen, pas toujours désagréable, de se faire un avis éclairé de temps en temps.

Le climat, ça n'est pas la météo !

Il est très important de comprendre que le climat est une chose bien distincte de la météo. La météo, c’est l’étude des phénomènes atmosphériques pour prévoir le temps qu’il va faire, sur une période courte. Elle permet de prévoir sur quelques jours le temps précis qu’il fera. Le climat, c’est l’étude statistique de variables atmosphériques sur le globe, sur une très longue période. L’étude du climat donne des tendances, des probabilités de changements à long terme. Les météorologues peuvent très bien prévoir qu’il fera froid demain à Lyon, et les climatologues que la température moyenne sur les prochaines décennies en France va augmenter, sans être en contradiction !

Une baisse de 5 degrés en météo, ce n’est rien d’alarmant, nombreux sont les jours où 5 degrés sont perdus au cours de la soirée. Une baisse de 5 degrés du climat, c’est autre chose : la dernière fois que le climat était 5 degrés plus bas qu’aujourd’hui, c’était il y a 20 000 ans, au cours d’une ère glaciaire ! On vous laisse imaginer la hausse de 3,8 degrés d'ici à la fin du siècle en France prévue par la dernière étude du CNRS...

Le piège du "bon sens"

Ainsi, le climat diffère de la météo car il concerne des échelles de temps plus longues, mais aussi des échelles spatiales plus grandes. Dire que le réchauffement climatique n’existe pas parce qu’il fait froid aujourd’hui et dans votre région, c’est comme dire que le cancer n’existe pas parce que vous êtes en bonne santé, que la crise économique est un mythe parce que vous avez un emploi stable… Ou encore que l’expansion urbaine, la sécheresse, la délinquance ou la nouvelle mode pour les chaussettes hautes n’existent pas parce qu’elles n’ont pas lieu autour de vous.

Alors, oui, il fait froid cet hiver (nous sommes très loin des records), mais l’année 2022 qui vient de se terminer a été la plus chaude jamais enregistrée en France depuis le début des relevés en 1900.

Alors, il va continuer à faire froid ?

Au risque de vous décevoir, oui, les périodes de froid vont continuer. Le climat se réchauffe, mais nous avons vu qu’il concerne des moyennes (sur des périodes de 30 ans, par convention). Rien n’empêchera de battre encore des records de fraîcheur ! Mais ces grands froids se feront tendanciellement plus rares et de l’autre côté, les records de chaleur se feront plus fréquents : nous battons en moyenne un record de fraîcheur pour dix de chaleur.

Climat et esprit critique

Profitons de l’occasion pour rappeler que le réchauffement climatique fait l’objet d’un consensus scientifique. Cela ne signifie pas qu’il ne doit pas être remis en question, bien au contraire. La science, par définition, n’attend que la contradiction. Seulement il ne semble pas très prudent de contredire des faits établis par la méthode scientifique sans un minimum de rigueur, sur la seule base d’allégations fondées sur notre ressenti personnel.

Nous pourrions tomber dans l’écueil de l’argument d’autorité, dire que des milliers de scientifiques étudient tous les jours le climat, un sujet complexe, et sont en immense majorité d’accord pour dire que le réchauffement climatique d’origine anthropique existe et que vous et moi ne sommes pas à même de les contredire. Mais la question n’est même pas là : la science est le meilleur moyen, et le seul que nous ayons, qui permette de produire de la connaissance objective sur le monde. Elle montre d’ailleurs chaque jour qu’elle est fiable pour appréhender le réel. Encore une fois, cela ne veut pas dire qu’une poignée de chercheurs en blouse blanche établissent des vérités absolues et imperméables à la contradiction. C’est au contraire parce que leur démarche est la seule qui soit rationnelle, qu’elle a pour principe même d’attendre la réfutation, qu’elle est publique et accessible, que nous leur faisons confiance.

Nos 5 sens (et le 6^ème, le fameux « bon sens ») passent leur temps à se jouer de nous et à nous tromper. Au quotidien, ce n’est pas un problème, on peut même dire que la vie serait fade si toutes nos pensées et actions étaient soumises à la rigueur et à la logique. Personne n’est tenu d’être rationnel dans chacun de ses actes et cela tombe bien, personne n’en est capable. Mais pour donner son avis sur un sujet sérieux, il semble prudent de faire appel à un peu de méthode, de documentation et, soyons fou, de raison.

La science oui, mais pas pour tout !

Enfin, il est nécessaire de rappeler que si la science nous aide à dresser des constats sur le monde et des méthodes pour arriver d’un point A à un point B, elle ne nous dit en rien quel idéal nous devons viser. Il est nécessaire d’être rigoureux et rationnel sur le constat et sur les méthodes à employer, mais seules nos convictions nous dictent ce vers quoi nous devons nous diriger. Libre à vous d’être agacé par les écolos ou d’estimer que manger de la viande et prendre l’avion sont des droits inaliénables. Nier l’existence du réchauffement climatique et l’implication des humains dans ce phénomène, voilà ce qui n’est pas raisonnable.

Léo Pham

Sources :

https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf

https://lejournal.cnrs.fr/articles/le-rechauffement-climatique-en-france-sannonce-pire-que-prevu

Tout comprendre (ou presque) sur le climat – Anne Brès, Claire Marc et BonPote