Sexisme : le rapport inquiétant du Haut Conseil pour l’Égalité

Alors que 2022 s’est achevée sur un 146^ème féminicide en un an, 2023 s’ouvre sur un rapport alarmant du Haut Conseil pour l’Egalité. Stagnation du sexisme dans de nombreux domaines de la société, préjugés solides, enracinement du « masculinisme » … Zoom sur le 5^ème rapport annuel de l’état des lieux du sexisme en France paru ce 23 janvier 2023.

Le sexisme traverse toutes les sphères de la société

L’immense majorité des français (93%) considère qu’hommes et femmes ne connaissent pas le même traitement dans au moins une sphère de la société. Les mondes professionnel, politique, religieux, sportif, scolaire ou encore médiatique sont le théâtre de traitements sexistes. En résulte une pression permanente sur les femmes : 8 femmes sur 10 ont déjà eu l’impression d’avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe.

Des chiffres glaçants sur la violence physique et sexuelle

Le sexisme, profondément ancré, mène à des violences notamment par leur banalisation ou la minimisation de leur gravité, voire l’attribution de la responsabilité des violences aux victimes. Le 31 décembre dernier a ainsi donné lieu au 146^ème meurtre d’une femme sous les coups de son (ex)compagnon. Une hausse de 20% par rapport à l’année 2021 (122 victimes) et de 43% par rapport à 2020 (102 victimes). Sur les femmes interrogées, 15% ont déjà subi des coups portés par leur (ex)partenaire. Concernant les 50-64 ans, le taux grimpe à 20%.

Si l’on parle souvent des viols, la forme d’agression sexuelle la plus grave et condamnée dans une part infime des cas (en 2020, 0,6% des viols déclarés par des majeurs ont fait l’objet d’une condamnation), la violence sexuelle prend aussi d’autres formes qu’encore beaucoup ne reconnaissent pas comme telles.

Ainsi, 33 % des femmes interrogées ont déjà eu un rapport sexuel suite à l’insistance de leur partenaire, alors qu’elles n’en avaient pas envie. 12 % ont déjà eu un rapport sexuel non protégé devant l’insistance de leur partenaire (18 % pour les 25-34 ans). Chez les 18-24 ans, 12% des femmes ont déjà eu un rapport sexuel non consenti sous emprise d’alcool ou de drogue. Près d’une sur dix a déjà eu un rapport sexuel pendant lequel leur partenaire a retiré son préservatif sans demander leur accord.

Par ailleurs, 7 % des femmes interrogées ont déjà subi des étreintes, baisers par un collègue ou un homme qu’elles ne connaissaient pas.

Les médias, un espace discriminant à l'influence forte dans les représentations

Alors que les précédents rapports mettaient en avant la faible présence des femmes dans les médias, celui-ci se penche sur leur apparition télévisuelle et nous révèle que les femmes parlent structurellement moins qu’elles ne figurent à l’écran : présentes à 43%, elles ne disposent que de 36% du temps de parole.

Plus que d’autres institutions, l’espace médiatique est un puissant vecteur de normes et dispose d’un poids très important dans les représentations sociales. Les inégalités qu’il perpétue sont donc doublement discriminantes : elles pénalisent les professionnelles du secteur mais aussi les lectrices/auditrices/spectatrices, sous-représentées. Les femmes sont conscientes de cette différence : seules 32% d’entre elles considèrent les médias comme un espace égalitaire.

Une pression quotidienne mais invisible

Au quotidien, le sexisme conduit à des stratégies d’évitement, des réflexes intégrés par les femmes qui les privent de vivre comme elles le souhaitent. 55% d'entre elles renoncent ainsi à sortir et faire des activités seules et 52% à s'habiller comme elles le souhaitent. Ces données ne reflètent pas la pression sociale subie par plus ou moins tout le monde, mais bien une peur concrète d’actes violents : huit femmes sur dix ont peur de rentrer seules chez elles le soir.

Enfin, 40% des femmes interrogées veillent à ne pas parler trop fort ou censurent leurs propos, par crainte de la réaction d'un homme.

Qu'en pensent les hommes ?

Le sexisme ordinaire prend ses racines dans des habitudes intégrées par les femmes, mais aussi des préjugés bien ancrés chez les hommes. 13 % de ces derniers considèrent que les hommes sont plus forts en mathématiques, 12 % qu’ils sont plus performants dans les carrières scientifiques et 35 % qu’ils ont naturellement plus le sens de l’orientation que les femmes. Enfin, le barbecue est "une affaire d'hommes" pour 23% d'entre eux, ce chiffre monte à 32% pour les 25-34 ans, soit près d’un homme sur trois.

Ces clichés, qui paraissent encore anodins à beaucoup d’hommes et de femmes, peuvent aussi concerner les agressions sexuelles et prendre la forme de banalisations, de minimisations ou encore d’excuses trouvées aux agresseurs. Ils constituent alors ce que l’on appelle la « culture du viol ». Ainsi, 16 % des hommes pensent par exemple qu’une femme agressée sexuellement peut en partie être responsable de sa situation.

Combattre le sexisme

Le sexisme n’est donc pas en recul en France, et certaines de ses formes les plus graves sont au contraire en augmentation.

Si vous pensez que le sexisme est léger et taquin, imaginez ce qu’il peut produire sur une vie entière, dès l’enfance, partout et tout le temps.

Si vous croyez qu'il existe des différences "naturelles" dans le comportement des hommes et des femmes, que vous ayez raison ou tort, demandez-vous, avant toutes choses, s’il s’agit là d’une raison pour justifier des inégalités systématiques de traitement.

Combattre le sexisme sur tous les fronts mène à des luttes qui paraissent futiles à beaucoup d’entre nous, mais il est important de comprendre qu’il s’agit d’une accumulation de choses plus ou moins graves, profondément ancrée dans notre société, qui mène aux violences les plus extrêmes et fait de nouvelles victimes chaque jour.

Les 10 solutions proposées par le rapport

N°1 : Augmenter les moyens financiers et humains de la justice pour former plus et en plus grand nombre les magistrat·es au sein des juridictions chargées de traiter les violences intrafamiliales.

N°2 : Instaurer une obligation de résultats pour l’application de la loi sur l’éducation à la sexualité et à la vie affective dans un délai de trois ans, et prévoir une sanction financière en cas de non-respect de cette obligation dans ce délai.

N°3 : Réguler les contenus numériques pour lutter contre les stéréotypes, représentations dégradantes, et traitements inégaux ou violents des femmes, en particulier les contenus pornographiques.

N°4 : Rendre obligatoires les formations contre le sexisme par les employeurs.

N°5 : Généraliser l’égaconditionnalité (qui conditionne l’argent public à une contrepartie en terme d’égalité) et la budgétisation sensible au genre.

N°6 : Créer une Haute Autorité indépendante pour lutter contre les violences sexistes en politique.

N°7 : Conditionner les aides publiques à la presse écrite à des engagements en matière d’égalité.

N°8 : Rendre obligatoire un système d’évaluation et une publication annuelle sur la part de représentation des femmes dans les manuels scolaires, informant voire conditionnant leur mise sur le marché.

N°9 : Interdire la publicité pour les jouets genrés.

N°10 : Institutionnaliser la journée nationale de lutte contre le sexisme le 25 janvier.

Léo Pham pour HelloPlanet

Sources :

https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_-_rapport_annuel_2023_etat_du_sexisme_en_france.pdf

Ce rapport repose sur les résultats du « Baromètre Sexisme » mené avec l’institut Viavoice. En interrogeant un échantillon représentatif3 de 2 500 personnes âgées de 15 ans et plus, ce sondage rend compte des perceptions de l’opinion face aux inégalités entre les femmes et les hommes, évalue le degré de sexisme de la population, mesure l’adhésion aux outils existants de lutte contre le sexisme et restitue les situations vécues par les femmes.

https://arretonslesviolences.gouv.fr/les-lettres-de-l-observatoire-national-des-violences-faites-aux-femmes