HELLO PLANET

Hello Planet est une plateforme vidéo qui permet de sensibiliser et d'éduquer sur les enjeux de la planète tout en permettant de financer des projets d'ONG.

Voir le site de l'éditeur

Écologie et cognition sociale : le casse-tête de la coopération

Alors qu’une écrasante majorité de français déclare considérer le réchauffement climatique comme un enjeu capital, les efforts individuels ne semblent pas corroborer cette prise de conscience. Parmi les nombreux facteurs qui expliquent cet écart entre volonté d’agir et actions concrètes, des chercheuses françaises se sont penchées sur le problème de la « conditionnalité de coopération ». Plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’une coopération efficace s’installe, et mieux les connaître nous permet d’agir en conséquence.

 

 

Il y a un an, un sondage Ipsos du journal Le Parisien révélait que 94% des français considéraient le réchauffement climatique comme « un enjeu capital ». Aujourd’hui pas plus qu’alors, les efforts déployés par chacun ne sont à la hauteur de ces déclarations. Si les explications à cet écart sont nombreuses (manque de moyens pour agir, échelle individuelle jugée impertinente…), intéressons-nous aujourd’hui à celle de la cognition sociale.

Le problème écologique a ceci de très particulier qu’il demande des efforts individuels, tout en offrant, à la clé, des bénéfices partagés. Même si je fais des efforts sur mon alimentation, mes déplacements et mon énergie, mon climat se réchauffera autant que le celui de mon voisin Lucien, amateur de viande et de 4x4 (celui qui n’éteint jamais ses lumières). Cet aspect du problème rend la coopération difficile : pourquoi ferais-je des efforts si les autres n’en font pas ? De quel droit Lucien bénéficiera-t-il de mes efforts, si lui-même n’en fait aucun ?

M. Boon-Falleur, A. Grandin, N. Baumard et C. Chevalier, chercheuses en sciences cognitives à l’ENS, se sont penchées sur l’épineuse question de la coopération en écologie. A la lumière des sciences cognitives, les autrices identifient trois enjeux majeurs à la mise en place d’une coopération efficace, et proposent des pistes pour y faire face.

Rendre visibles nos efforts pour le climat

Dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’invisibilité des comportements est le premier problème posé à une bonne coopération. En effet pour agir, les individus ont besoin de voir ce que les autres font. Une fois ces normes sociales identifiées, elles sont vite assimilées par l’individu, qui s’y conforme.

Or les actions pour le climat sont souvent invisibles. Comment puis-je savoir si mon voisin Lucien a diminué sa consommation de viande rouge ? Soutient-il les politiques de développement des énergies renouvelables ? A-t-il rénové sa chaudière pour qu’elle soit plus efficace ?

En l’absence de ces informations, nous avons tendance à sous-évaluer les efforts de nos concitoyens. Un bon moyen de pallier le cercle vicieux de l’inaction, c’est de rendre visibles nos comportements. Pour un restaurant, proposer un menu végétarien est ainsi une alternative bien plus visible que la simple réduction du nombre de plats carnés.  A vous de redoubler d’ingéniosité pour rendre les plus visibles possible vos efforts pour le climat !

Cette démarche peut se faire au niveau individuel et de l'entreprise, mais peut aussi être favorisée par les politiques publiques. Les jours d’élections aux États-Unis, les bureaux de vote offrent un badge à exhiber pour faire savoir à tous que l’on a voté. Au Royaume-Uni, les plaques d'immatriculation des voitures hybrides sont ainsi décorées d'une pastille verte, qui rend le geste écologique de leurs conducteurs visible par tous.

Attention également à ne pas répandre le message que « tout le monde s’en fiche » ! Si l’engagement des autres est un moteur au mien, croire que personne ne fait d’effort ne va pas m’encourager à agir !

 

La mauvaise réputation

Autre frein aux comportements écolos : la gestion de la réputation sociale. Nous savons que les gens, souvent inconsciemment, ont tendance à préférer les actions écologiques visibles (se déplacer à vélo) aux invisibles (remplacer sa chaudière). Les actions qui nous rendent mieux perçus au sein de la société nous motivent plus.

Cependant, certains comportements écolos ne sont pas toujours perçus comme tels, et peuvent même entacher notre réputation. Servir un plat végétarien à ses invités peut ainsi nous faire passer pour radins, ne pas arroser sa pelouse pour un voisin négligeant.

Tiraillé entre la volonté de ne pas paraître négligeant et celle d’agir pour l’environnement, je peux réfléchir à un moyen d’expliquer mon geste. Une petite pancarte sur ma pelouse desséchée comme ci-dessous peut ainsi faire l’affaire :

Sans blâmer ni dénoncer, expliquer le bien-fondé des comportements qui pourraient nuire à notre réputation est une piste à explorer !

 

Pas d’efforts sans équité !

Le dernier enjeu sur lequel se sont penchées nos chercheuses, c’est de satisfaire le sentiment d’équité. Pour agir, nous n’avons pas seulement besoin de savoir que les autres vont agir aussi, mais également de savoir qu’ils vont le faire dans des proportions adaptées.

Cela fait écho à la polémique des jets privés, dont l'interdiction fait actuellement l'objet d'une proposition de loi. Au milieu des turbulences médiatiques, peu de voix se font entendre qui envisagent l’usage des jets privés comme plus problématique que ses seules émissions carbone (non négligeables par ailleurs).

Ainsi peut-on entendre que les jets privés ne polluent pas tant que ça, et que leur interdiction, goutte d'eau dans l'océan, ne résoudrait pas la crise climatique. Ce discours ne traite que d’une partie du problème posé par ces jets, et omet le sentiment d’injustice qu’ils provoquent dans les esprits. Ce sentiment d’iniquité doit être pris au sérieux car il a un impact concret dans la volonté collective de faire des efforts.

Ce n’est sûrement pas en laissant prospérer de telles inégalités de contribution à l’effort collectif que les bons comportements seront encouragés !  Ainsi nos amis Messi et Mbappé ne pêchent pas que par leur manque d’investissement sur le terrain, mais aussi par le sentiment d’injustice qu’ils produisent chez leurs coéquipiers, peu encouragés…

Tenir compte de la psychologie humaine

En Août dernier, notre ministre de la transition écologique Christophe Béchu déplorait la médiatisation de l'affaire des jets : « L’écologie, ce n’est pas le buzz. » déclarait-il. Or le buzz, avec tout ce qu’il peut avoir de problématique, est au contraire un très bon outil pour lutter contre le réchauffement climatique. Il donne ici l’occasion aux gens d’exprimer leur sentiment d’iniquité, frein majeur à l’engagement. Les apports des sciences cognitives nous donnent des clés pour agir individuellement, mais doivent être favorisés par les politiques publiques ! Pour être efficaces, les politiques de lutte contre le réchauffement climatique doivent donc impérativement tenir compte de la psychologie humaine, et intégrer dans leur conception des notions telles que les besoins d’équité, de réciprocité ou de gestion de la réputation.

 

Léo Pham

 

Sources :

Boon-Falleur, M., Grandin, A., Baumard, N. et al. Leveraging social cognition to promote effective climate change mitigation. Nat. Clim. Chang. 12, 332–338 (2022).

https://doi.org/10.1038/s41558-022-01312-w

https://www.liberation.fr/environnement/le-rechauffement-climatique-un-enjeu-prioritaire-pour-47-des-francais-interroges-20220205_L4DWXWI53FE4JF77FA4HNQM4JI/

 

Visualisez cette annonce pour continuer à gagner des points

Bravo, vous venez de gagner points.

Alors, connectez-vous pour pouvoir faire un don gratuit.

Je m'inscris Je me connecte
Plus tard
Prochaine vidéo dans 6 secondes
×