HELLO PLANET

Hello Planet est une plateforme vidéo qui permet de sensibiliser et d'éduquer sur les enjeux de la planète tout en permettant de financer des projets d'ONG.

Voir le site de l'éditeur

Qatar 2022 : La Coupe du Monde qui fait scandale

« Je ne regarderai pas un seul match de cette coupe du monde ». Légende du football français et de Manchester United, Eric Cantona a exprimé le mois dernier un vif désaccord avec l’organisation de la prochaine coupe du monde de football, qui débute ce mois de novembre au Qatar. Autour de la compétition : soupçons de corruption, manque de transparence mais surtout scandale écologique et désastre humain. Cet article propose une vue d’ensemble sur les problèmes posés par l’organisation de la prochaine coupe du monde, les réactions qu’elle suscite et les solutions proposées.

Des soupçons de corruption

Nous sommes le 2 décembre 2010 à Zurich. Le président de la Fifa, Sepp Blatter, annonce l’attribution de la coupe du monde 2022 au Qatar. Dès lors, la décision est vivement décriée : Pourquoi organiser la plus grande compétition de football dans un pays qui, en plus d’être accusé de violation des droits de l’Homme, n’a qu’une culture peu développée du ballon rond et dans lequel les températures frôlent les 50 degrés l’été ? Des enquêtes ont été ouvertes et de sérieux soupçons sont rapidement venus assombrir le ciel qatari.

Après les autorités Suisses et Américaines, le parquet national financier Français a ouvert en 2019 une enquête pour « Corruption active et passive » sur la désignation du Qatar pour accueillir la coupe du monde. Si aucune condamnation n’a encore été prononcée, la justice américaine dénonce, depuis 2015, un système et une fédération corrompus depuis plusieurs décennies. En 2020, le ministère de la justice américain a formellement accusé le Qatar d’avoir soudoyé des responsables de la Fifa et acheté leur vote.

 

Un scandale écologique

Aux soupçons de corruption s’ajoute l’irresponsabilité écologique flagrante d’une telle compétition. Si le Qatar s’est engagé à respecter la « neutralité carbone » (équilibre entre les émissions et les absorptions de gaz à effet de serre par l’homme), on voit difficilement comment l’émirat pourrait honorer son engagement. Il reste très flou sur les moyens utilisés pour atteindre cet objectif, en évoquant par exemple l’utilisation d’énergie solaire mais sans préciser dans quelles proportions. L’ONG Belge Carbon Market Watch, qui analyse les marchés du carbone et encourage les politiques climatiques, juge ces engagements peu crédibles.

Les températures très élevées du Qatar durant l’été ont conduit la Fifa à organiser cette coupe du monde, pour la première fois dans l’histoire de la compétition, à la fin de l’automne. Le thermomètre pouvant tout de même atteindre les 37 degrés au mois de novembre, l’émirat accueillera joueurs et spectateurs dans des stades climatisés à ciel ouvert, comme lors des championnats du monde d’athlétisme qu’il a organisé à Doha en 2019. Ces stades sont unanimement critiqués par les experts du climat. Spécialiste du bâtiment au sein de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), Eric Aufaure déclarait : "A partir du moment où c'est climatisé à ciel ouvert, il y a une perte d'énergie considérable. C'est une évidence et une aberration. » (Sud-Ouest, 2019). L’expert dénonce également l’incohérence d’utiliser des panneaux photovoltaïques pour un projet aussi irresponsable sur le plan environnemental. De plus cette technologie fonctionne moins bien dans un environnement très chaud et poussiéreux. Alors, conscience écologique ou greenwashing ?

Cette coupe du monde pose, d’une manière plus générale, la question de l’organisation des évènements sportifs internationaux. Si le mondial 2022 ressemble particulièrement à une aberration écologique, les grandes compétitions sportives impliquent toujours des activités peu respectueuses de l’environnement : longs déplacements des athlètes, des médias et du public, consommation importante d’énergie (éclairage, chauffage, climatisation) … Le sport doit donc impérativement s’adapter, d’une part pour préserver un environnement vivable pour tous, mais aussi pour se préserver lui-même. En effet, quid des sportifs d’endurance et des chaleurs extrêmes, des sports d’hiver sans neige, des sports de nature dans des paysages arides ? Ce sont les questions que pose ce rapport passionnant de WWF sur l’avenir du sport à +2° et à +4°.

 https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-07/02072021_Rapport_Dereglement-climatique_le_monde_du_sport_a_plus_2_et_4_degres_WWF%20France_4.pdf

Les Jeux Olympiques d’hiver de 2021, qui se sont déroulés à Pékin sur de la neige artificielle, posent également la question des critères d’attribution des lieux d’organisations : Pourquoi skier en Chine sur de la neige artificielle (qui a nécessité d’acheminer 185 millions de litres d’eau) alors qu’il neige ailleurs ?

Les prochains Jeux Asiatiques d’hiver viennent tout juste d’être attribués à l’Arabie Saoudite, dont le climat est incompatible avec la tenue d’une compétition de sports d’hiver sans mise en place de matériel conséquent.

 

Un désastre humain

Vous pensiez en avoir fini ? Le plus grand désastre de cette Coupe du monde 2022 réside certainement dans l’horreur des pertes humaines auxquelles a conduit la construction des stades. Le 23 février 2021, le journal The Guardian a révélé que plus de 6500 travailleurs auraient perdu la vie sur les chantiers de la prochaine coupe du monde. Derrière ce chiffre ahurissant, des ouvriers venus d’Inde, du Népal, du Bangladesh, du Sri Lanka et du Pakistan. Ces chiffres pourraient être en réalité encore plus importants car d’autres pays, dont le Kenya et les Philippines, grands pourvoyeurs du Qatar en main d’œuvre, n’ont pas communiqué leurs chiffres.

Les conditions de travail inhumaines sont la cause de ce désastre : plusieurs rapports dénoncent des droits bafoués, des charges de travail énormes sous une chaleur étouffante et une sécurité clairement insuffisante. Ces pratiques, qui frôlent l’esclavagisme, semblent être monnaie courante au Qatar auprès des travailleurs immigrés, souvent endettés par leur voyage. S’y ajoute un manque de transparence inquiétant des autorités, qui déclarent n’avoir constaté « que » 37 décès de migrants sur les chantiers des stades. De plus, The Guardian indique que 80% des décès chez les travailleurs indiens ont été classés par le Qatar comme « naturels ».

Une dissonance culturelle avec le Qatar

Enfin, l’attribution de la deuxième compétition sportive la plus regardée de la planète (Plus de 3 milliards de téléspectateurs pour les dernières cdm) dans un pays qui bafoue les droits humains, et particulièrement ceux des femmes, fait polémique. Un rapport d’Amnesty International (2021), qui présente l’état des lieux des droits humains au Qatar, met en avant quelques mesures mineures en faveur de la démocratie mais un recul de la liberté d’expression, et aucune amélioration concernant les droits des travailleurs, les discriminations subies par les femmes et par les personnes LGBT+ (lien en source).

Se pose alors la question de l’adhésion à ces valeurs par tous les acteurs engagés dans la coupe du monde : Etats, fédérations nationales et internationale, joueurs et public. Cet été encore, à l’occasion d’un séminaire sur la violence, Gianni Infantino, président de la Fifa, déclarait vouloir « éradiquer le racisme, la discrimination et la violence de toute nature, partout où ils existent encore. ». « Ce problème ne se limite pas au racisme, il concerne aussi l'homophobie et d'autres formes de discrimination » précisait-il, la veille d’une Coupe du Monde organisée dans un pays où les relations sexuelles entre hommes sont passibles de sept années de prison.

 

Quelles réactions ?

« Sans nous ». Ces deux mots, en Une du Quotidien de la Réunion, signent un évènement médiatique inédit. Pour la première fois de l’histoire, un média français fait le choix de boycotter la Coupe du Monde. La veille de la compétition, les réactions politiques, médiatiques, populaires mais aussi des participants se font entendre et divergent parfois. S’il est difficile d’être exhaustif sur ce sujet qui évolue tous les jours, voyons rapidement ce qu’il en est des réactions suscitées par le mondial.

Le 5 octobre dernier, le journal Libération dressait une liste des personnalités qui appellent au boycott de l’évènement : Vincent Lindon, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Lahm, Virginie Despentes, l’archevêque de Cologne, François Hollande… Nombreuses sont les voix qui dénoncent l’organisation de la Coupe du Monde 2022. Plusieurs joueurs y participant ont tout de même dénoncé les conditions dans lesquelles elle se déroule. Harry Kane, capitaine de la sélection anglaise, a évoqué la possibilité d’une action collective concertée avec ses homologues français (Hugo Lloris) et danois (Christian Eriksen). De nombreux supporters ont également appelé au boycott et dénoncé la compétition notamment en Allemagne, où des banderoles sont brandies dans les stades.

Dans les médias, plusieurs réactions sont observées : de très rares boycottent l’évènement, beaucoup le dénoncent, certains enfin déplorent une certaine hypocrisie autour des dénonciations, positions sur lesquelles nous reviendront. Plusieurs associations et ONG ont appelé au boycott, ou du moins dénoncé les conditions dans lesquelles s’est déroulé l’organisation de la compétition. Certaines fédérations nationales (Norvège, Danemark) ont elles aussi fait pression sur la Qatar en lui sommant d’améliorer les conditions des minorités dans le pays. Hummel, équipementier de la sélection Danoise, a choisi de « ne pas être visible lors d’un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes. ». La marque a imaginé des maillots très sobres, sans contraste.

Quelles solutions ?

Mais alors quelles solutions ? Faut-il boycotter cette Coupe du Monde ? Est-ce utile ? Est-ce naïf ? Est-ce hypocrite ? A ces questions nous ne donnerons pas de réponses, si tant est que l’on puisse en trouver.

Les premiers pensent que boycotter la Coupe du Monde est l’occasion d’envoyer un message fort sur le plan écologique et des droits humains. Les seconds voient au contraire la Coupe du Monde au Qatar comme un moyen de mettre en lumière ce qu’il s’y passe, à l’image de la Coupe du Monde 1978 en Argentine, durant laquelle le monde entier eu les yeux rivés sur les agissements du régime militaire de Jorge Rafael Videla.

Certains pensent qu’il aurait été plus judicieux de s’opposer à cette Coupe du Monde lors de son attribution il y a 12 ans. D’autres rétorqueront que si la situation des travailleurs immigrés au Qatar était déjà connue, des milliers ont péri depuis lors dans la construction de stades climatisés à ciel ouvert et nous donnent une raison supplémentaire de s’y opposer aujourd’hui.

Beaucoup ont souhaité voir les équipes nationales refuser de participer, plus nombreux encore sont ceux qui pensent qu’il n’est pas de leur responsabilité de prendre de tels engagements.

Les uns voient le boycott des téléspectateurs comme la mesure la plus efficace qui puisse être prise, menaçant les recettes publicitaires de diffusion, les autres se préoccupent des actions qui pourront être menées sur place et des pressions que cette Coupe du Monde est l’occasion d’exercer sur le Qatar.

 

Faut-il organiser des évènements internationaux majeurs dans des pays qui ne suivent pas un modèle démocratique ? Qui peut décider où se situe la frontière entre les pays démocratiques et les autres ?

D’une manière plus générale, faut-il se fermer aux pays de cultures différentes ou ayant des agissements que nous trouvons intolérables ? Ou bien cultiver nos relations avec ces pays permet-il à ces derniers « d’évoluer » dans leurs pratiques et au monde de profiter de la culture que nous voulons voir dominante ?

 

 

Léo Pham pour HelloPlanet

 

Sources :

https://www.liberation.fr/environnement/coupe-du-monde-au-qatar-atteindre-la-neutralite-carbone-nest-pas-credible-selon-carbon-market-watch-20220601_CXPF3ILJRFD2ZCZAD525IANSXQ/

https://www.sudouest.fr/sport/athletisme/mondiaux-d-athletisme-a-doha-le-stade-climatise-a-ciel-ouvert-est-une-aberration-2454456.php

https://www.nationalgeographic.fr/environnement/les-competitions-sportives-internationales-et-la-question-de-la-responsabilite-climatique

https://www.lefigaro.fr/sports/football/coupe-du-monde/fil-info/plus-de-6500-migrants-seraient-morts-pour-la-preparation-du-mondial-2022-1034387

https://information.tv5monde.com/info/mondial-de-football-2022-au-qatar-des-milliers-de-travailleurs-sont-la-merci-d-employeurs-sans

https://www.amnesty.org/fr/location/middle-east-and-north-africa/qatar/report-qatar/

https://www.fifa.com/fr/about-fifa/president/news/president-fifa-sexprime-au-seminaire-bresilien-sur-racisme-et-violence

https://www.france.tv/france-5/c-ce-soir/c-ce-soir-saison-3/4153405-emission-du-mercredi-12-octobre-2022.html

https://bonpote.com/boycotter-la-coupe-du-monde-au-qatar-est-la-seule-reponse-possible/

https://www.liberation.fr/checknews/villes-sportifs-stars-politiques-la-liste-des-appels-au-boycott-de-la-coupe-du-monde-de-football-au-qatar-20221005_KNL2XNXATRANTI5X46OUN2WNNA/

https://www.ouest-france.fr/sport/coupe-du-monde/entretien-on-a-choisi-l-alerte-pourquoi-amnesty-n-appelle-pas-au-boycott-du-mondial-au-qatar-ffc3ed32-3da9-11ed-8fdd-0c50a46087ee

https://www.sofoot.com/avec-les-maillots-du-danemark-pour-la-coupe-du-monde-2022-l-equipementier-hummel-proteste-contre-le-qatar-519473.html

 

Images :

1 - Supporters du Herta Berlin ((Getty - Soeren Stache)

2 - Sepp Blatter et Michel Platini (Getty images)

3 - Climatisation des stades (GIUSEPPE CACACE - AFP)

4 - Neige artificielle (Getty images)

5 - Construction des stades (Icon Sport)

6 - Gianni Infantino (AFP - Getty images)

7 - Une du Quotidien de la Réunion - 13 septembre 2022

8 - Supporters du Borussia Dortmund (Icon Sport)

9 - Maillot du Danemark (Hummel)

 

Visualisez cette annonce pour continuer à gagner des points

Bravo, vous venez de gagner points.

Alors, connectez-vous pour pouvoir faire un don gratuit.

Je m'inscris Je me connecte
Plus tard
Prochaine vidéo dans 6 secondes
×